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L'économie a-t-elle un sens?

La naissance du capitalisme.

28 Avril 2017 , Rédigé par Philippe Vadjoux Publié dans #Extrait du livre

Dès le XIe siècle, les invasions turques en Asie Mineure relancent le commerce avec Venise et Gènes. La reprise du commerce va favoriser les villes, l’artisanat, la construction des routes, le développement de la marine, l’exploitation des mines.

Ainsi, les marchands italiens du XIIe siècle vont investir à la fois les comptoirs du Proche Orient pour obtenir de l’or (en provenance d’Afrique de l’Ouest), de même que les foires européennes, où ils achètent les draps et autres objets manufacturés. Ils tiennent progressivement les deux bouts de la chaîne et dominent le commerce et la finance.

Une classe de marchands, d’industriels, de banquiers se forme dans les grandes villes. En France, au début du XVe siècle, en pleine guerre de Cent ans, le dauphin Charles a besoin d’argent, aussi bien pour reconquérir le pays que pour assurer une vie royale fastueuse à Bourges. Il s’entoure de grands marchands, même roturiers, Jacques Cœur, fils d’un riche pelletier, lui apporte secours. Une fois couronné à Reims en 1429 le roi Charles VII multiplie en retour les privilèges en faveur de son donateur : maître des monnaies, frappe des pièces à Bourges. Jacques Cœur s’enrichit très vite (quitte à tricher dans le poids et l’alliage des pièces…). Puis il se lance dans le commerce entre l’Orient et la France, avec un port d’attache à Rhodes et l’appui logistique de l’ordre militaire des Hospitaliers.

En Allemagne, Jacob et Anton Fugger développent à Augsbourg au début du XVIe siècle une entreprise de tissage puis de commerce et enfin de finances. Les liens avec le pouvoir royal se créent et les Fugger accordent des prêts importants à Maximilien 1er puis à Charles Quint. En retour ils obtiennent des terres, des mines d’argent et deviennent extrêmement riches et puissants. Toutefois, Philippe II d’Espagne dénoncera les dettes d’Etat et le système des Fugger s’écroulera.

Bien des exemples pourraient être cités : les Médicis, les Borgia etc. Le principe est toujours le même, c’est l’entente entre les riches marchands et le pouvoir royal qui permet une conquête des marchés locaux puis étrangers.

Le marché n’est plus un système libre et égalitaire, il est dominé par un pouvoir concentré entre les princes et quelques marchands ou financiers. Cette évolution est spécifiquement européenne. Rappelons que la Chine était probablement plus puissante économiquement que l’Europe au XVe siècle mais qu’elle séparait de façon étanche le pouvoir impérial du pouvoir économique.

C’est cette intégration entre puissances d’argent et pouvoir politique qui va donner naissance à un capitalisme conquérant.

La question reste donc de savoir si le capitalisme est fidèle au marché ou s’il l’a asservi….

Autre transformation majeure de cette époque : l’apparition des premiers salariés. Les paysans comme les artisans étaient maîtres de leur outil de travail. Or, de gros artisans ont besoin de main d’œuvre pour développer leur activité : des tâches sont alors confiées à des personnes qui réalisent ce travail à domicile, contre une rémunération. L’historien américain Franklin Mendels qualifie cette phase économique, importante au Moyen-Âge, de « proto-industrie ». C’est effectivement l’amorce du salariat, du monde du travail puis de l’usine. Le marché ne sera plus seulement un lieu d’échange de produits mais aussi un lieu de vente et d’achat du travail humain.

Le capitalisme financier fait son apparition avec les banques, la lettre de change, le billet de banque, la comptabilité. Un troisième marché s’impose, le marché de l’argent.

Enfin, le développement de la marine et les progrès de l’astronomie permettent les grandes découvertes : détroit de Magellan, cap de Bonne Espérance, Inde, Moluques, Afrique, Amérique.

Cette première forme de capitalisme marchand et manufacturier trouve naissance en Hollande, sous l’égide d’une riche bourgeoisie qui domine le pays et conquiert de nouveaux marchés grâce à la compagnie des Indes Orientales. La ville d’Amsterdam crée la banque d’Amsterdam et l’Etat construit une flotte considérable. L’Angleterre va utiliser les mêmes recettes, grandes compagnies privées, appui de l’Etat, pour concurrencer la Hollande et entrer dans les fameuses guerres navales.

Le commerce triangulaire (Europe, Afrique, Amériques), fondé sur l’esclavage, constitue le premier grand marché capitaliste : entrepreneurs privés, levées de fonds considérables, rendements financiers très élevés, conquêtes de pays lointains par la force, avec le concours des Etats européens.

La déportation de 12 millions d’Africains et l’exploitation des nouveaux territoires : métaux précieux, épices, canne à sucre, thé, café, indigo, tabac, tomate, maïs, pomme de terre, vont permettre la constitution d’immenses fortunes en Europe.

La seule référence à un ordre naturel et divin ne suffit plus. Un tel ordre devrait être immuable et juste. Or le capitalisme est tout le contraire, c’est un système dynamique, conquérant, fondé sur l’intérêt personnel et l’usage de la force. Sa justification ne peut plus relever de la seule théologie mais aussi de la puissance.

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