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L'économie a-t-elle un sens?

Donner un sens à l'économie

25 Novembre 2016 , Rédigé par Philippe Vadjoux Publié dans #Médias

Donner un sens à l'économie

"Donner un sens à l'économie"

Par Philippe Vadjoux

Texte publié en novembre 2016 sur le site "Les Etats Généreux de la culture" - Télérama -  1 # Faire ensemble  : http://etats-genereux.telerama.fr/

 

Nombre d’études et d’élections montrent que les citoyens se sentent dépossédés face à une économie perçue comme complexe, étrangère et livrée à des pouvoirs aussi puissants qu’occultes.

Les différents candidats à l’élection présidentielle vont-ils se saisir de ce sujet majeur pour l’avenir de notre société ?

 L’économie marchande paraît fondée sur des boussoles  imparfaites. Une entreprise peut dégager de gros profits tout en provoquant des maladies professionnelles ou des pollutions coûteuses pour la collectivité. Un pays peut réaliser un fort PNB tout en dilapidant ses ressources naturelles ou en détruisant ses espèces animales.

                                                                        *

Le point essentiel est que l’économie marchande n’est pas une fin en soi, elle s’encastre dans le cercle des activités humaines, lesquelles s’inscrivent dans le grand cercle de la biosphère (K. Polanyi et R. Passet).

Peut-on concevoir une économie respectueuse des êtres humains et de l’environnement ?

 - Le premier objectif est de créer une économie hybride dans laquelle de nouvelles formes d’entreprises plus  démocratiques  seraient développées : entreprises libérées, participatives, sociales et solidaires ESS, autogérées, micro-crédit, SCOP etc. Ces nouvelles entreprisesfondées sur une organisation plus participative, un mode de production plus écologique, une relation plus proche des consommateurs (avec des produits plus durables) devraient être encouragées : formation des futurs responsables, financements appropriés, gestion, souplesse juridique etc. Bien des jeunes veulent se lancer dans des secteurs innovants. Bien des salariés souhaitent prendre en main leur entreprise. Bien des patrons ne trouvent pas de repreneur.

 Ainsi les consommateurs pourraient enfin choisir entre une économie marchande traditionnelle et une économie participative, solidaire, responsable. Ce sont eux qui décideraient de cette mutation.

 - Mais si l’on veut « encastrer » toute l’économie dans son milieu social et environnemental la question essentielle est de dépasser l’évaluation financière par une évaluation globale.

Or, depuis plusieurs décennies des études sont conduites sur une telle conception holistique de l’économie, qui concerne les Etats comme les entreprises.

 . Les Nations Unies, à l’initiative d’A. Sen, ont élaboré en 1990 l’Indice de Développement Humain (IDH) qui intègre l’espérance de vie, l’état de santé de la population, le taux de scolarisation etc. et qui remet en cause le monopole du PNB.D’autres indices sont envisagés.

 Un pays qui vit de ses rentes pétrolières ou minières présente moins de potentialités qu’un pays qui crée de la valeur humaine, cognitive, technologique.

 . Les interactions de l’activité productrice et de la biosphère ont été identifiées (« externalités ») dès les années 1920 par A. Marshall et A. Pigou. Ces externalités mesurent les apports de la nature à notre économie (richesse d’une terre agricole, présence d’un minerai, rôle des abeilles dans la pollinisation etc.) aussi bien que l’influence de l’homme (positive pour une reforestation, souvent négative pour une pollution, une destruction etc.). Il est prouvé aujourd’hui qu’elles sont essentielles dans le processus économique alors qu’elles n’ont pas été prises en compte…

Le concept d’externalité a débouché sur une véritable comptabilité environnementale qui évalue le  coût complet d’une production (coûts financiers mais aussi sociaux et environnementaux). Cette méthode est véritablement novatrice car elle ne se limite pas à la rentabilité financière mais mesure l’utilité réelle d’une activité pour la société.

Un hôpital universitaire est  peut-être plus « rentable » qu’une industrie polluante.

Des organismes travaillent sur ces sujets (OREE, KPMG, Ateliers de la Terre etc.) et même la Banque Mondiale s’y intéresse (PIB vert). Il manque la volonté politique de mettre en œuvre une telle évaluation globale. Mesurer c’est gouverner.

                                                                 *

La finalité humaine et écologique de l’économie doit déterminer les politiques et les réformes. Sinon, nous risquons de nous enfermer dans une « marchandisation du monde » qui réduit l’être humain et détruit la planète. Les civilisations aussi se suicident.

Philippe Vadjoux

Auteur de l’essai « L’économie a-t-elle un sens ? » publié par l’Harmattan.

 

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