Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
L'économie a-t-elle un sens?

Une pensée pour l'économie

21 Septembre 2016 , Rédigé par Philippe Vadjoux Publié dans #Médias

Une pensée pour l'économie

"Une pensée pour l'économie"

Par Philippe Vadjoux

Texte publié le 18.09.2016 sur le site "Les Etats Généreux de la culture" - Télérama -  1 # Faire ensemble  : http://etats-genereux.telerama.fr/

 

L’économie n’est plus perçue comme un bien commun.

Nombre d’études (et d’élections) montrent que les citoyens se sentent dépossédés face à un pouvoir économique tout-puissant et inaccessible.

Pourtant, l’économie remonte à la nuit des temps. L’être humain a inventé le calcul et la comptabilité avant l’écriture (3.600 avant notre ère, à Sumer).

L’histoire économique a été marquée par les débats et les expériences.

                                                          *

Le système capitaliste s’est aujourd’hui imposé et mondialisé .La doctrine dominante d’un capitalisme actionnarial  s’exerce dans les lieux de pouvoir mais aussi  dans les médias, les universités etc.

Or cette doctrine  suscite des interrogations conceptuelles.

-La vision réductrice de l’être humain (« un individu cupide ») a été remise en cause par tant de chercheurs (M. Mauss, A. Gorz, B. Stiegler, J. Elster…) qui ont souligné la diversité des comportements humains. La découverte des « neurones miroirs » en 1996 par le biologiste G. Rizzolatti a confirmé l’importance de l’empathie dans le fonctionnement du cerveau.

-Les crises économiques du capitalisme n’ont pu être jugulées que grâce à des politiques  fondées sur le rôle redistributeur et régulateur de l’Etat.

-Les recherches scientifiques ont révélé les dégâts irréparables que l’économie productiviste faisait subir à la biosphère. L’effet de serre a été découvert dès la fin du 19ème siècle par Svante Arrhenius…

-Les interactions de l’activité productive et de la biosphère ont été identifiées dès les années 1920 par A. Pigou. Ces « externalités » mesurent aussi bien les apports de la nature à notre économie (richesse d’un sol, extraction d’un minerai, rôle des abeilles dans la pollinisation etc.), que l’influence de l’homme (positive avec une reforestation, plus souvent négative avec une pollution, une destruction etc.). Ces externalités, essentielles pour notre mode de vie, n’ont pas été prises en compte.

                                                              *

L’économie marchande est donc fondée sur des boussoles qui sont imparfaites et même partiales. Le point essentiel est que l’économie n’est pas une fin en soi, elle est au service des êtres humains et elle s’inscrit dans la biosphère (K. Polanyi, R. Passet).

La prise de conscience est venue grâce à de grands chercheurs, des associations, des mouvements sociaux.

Les perspectives ouvertes sont majeures .Mesurer c’est gouverner. L’activité économique n’est plus calculée « hors sol », de façon purement marchande, elle est évaluée en tenant compte du capital humain comme du capital naturel .Les études et les expériences en cours portent aussi bien sur les Etats que sur les entreprises.

-Déjà, en 1990, à l’initiative des Nations Unies, A. Sen a élaboré l’Indice de Développement Humain (IDH) , qui intègre l’espérance de vie, l’état de santé, le taux de scolarisation , l’accès à la culture des populations et qui remet en cause le PNB. De nouveaux indices sont à l’étude pour mesurer les politiques de développement humain (biens communs, bien-être, bonheur, économie positive etc.).

Un pays qui vit de ses rentes pétrolières ou minières présente moins de potentialités qu’un pays qui crée de la valeur humaine, cognitive, technologique.

-De même, la comptabilité d’entreprise doit évaluer les conséquences de ses activités (positives ou négatives) sur l’être humain (formation, mais maladies professionnelles etc.) et sur l’environnement (reboisement, mais pollution d’une rivière etc.)Le concept d’externalité a débouché sur une véritable comptabilité globale qui évalue le coût complet d’une activité. Cette méthode est véritablement novatrice car elle mesure l’utilité réelle d’un projet pour la société.

Un hôpital universitaire est finalement peut-être plus » rentable « qu’une industrie polluante…

                                                       *

La mutation qui s’annonce  concerne toute la population et elle doit inspirer les réformes.

Sinon, nous risquons de nous enfermer dans une « marchandisation du monde » qui réduit l’être humain et détruit la planète. Les civilisations ne meurent pas d’assassinat mais de suicide.

 

Philippe Vadjoux.

Auteur de l’essai « L’économie a-t-elle un sens ? » publié par L’Harmattan.

 

Partager cet article
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article